Les jeunes pour le climat dénoncent le projet de loi 61
Les jeunes pour le climat se sont mobilisés à Montréal et à Québec vendredi après-midi pour dénoncer le projet de loi 61 proposé par la CAQ.
Journaliste : Élisabeth Labelle
Photographe : Alex Beauchemin
Publié le 14 juin 2020 dans le webzine Futur Proche

Photo : Alex Beauchemin

Une semaine après la manifestation à vélo en solidarité avec la nation Wet’suwet’en, la Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES) s’est rassemblée autour du Monument à Sir George-Étienne Cartier vendredi en début d’après-midi pour dénoncer le projet de loi 61.
Outre le fait qu’il soit situé en plein coeur de Montréal, ce lieu de rassemblement a acquis une signification particulière pour le mouvement depuis la marche pour le climat du 27 septembre 2019.
Point culminant de plusieurs mois de mobilisation de la jeunesse, cette manifestation a réuni une foule record, massée sur l’avenue du Parc, pour sommer le gouvernement d’agir contre les changements climatiques.
Le chant des manifestant.e.s semble être devenu un lointain écho pour la Coalition Avenir Québec (CAQ) alors que le gouvernement de François Legault faisait pression cette semaine pour s’arroger de pouvoirs inédits et faire avancer de grands projets d’infrastructures grâce au projet de loi 61.
Un projet de loi controversé
Ce projet de loi, élaboré dans le but de relancer l’économie, visait à accélérer la construction de projets ralentis par la pandémie, notamment dans le secteur des transports, pour ainsi créer des emplois dès cet été.
Cela dit, pour réduire les délais, le gouvernement Legault proposait notamment d’alléger les procédures d’autorisations environnementales et les processus d’attribution de contrats publics.
Dans l’éventualité où un milieu humide ou un habitat faunique, notamment celui d’une espèce menacée, aurait été détruit par un promoteur, le projet de loi laissait entendre qu’une compensation financière était une mesure adéquate pour pallier une perte d’une valeur inestimable.

Photo : Alex Beauchemin

Photo : Alex Beauchemin

Les pouvoirs exceptionnels dont la CAQ aurait aimé se prévaloir, quant à eux, étaient garantis par l’article 51 du projet de loi qui permettait au gouvernement d’échapper à une poursuite judiciaire pour un acte accompli « de bonne foi ».
La première ébauche du projet de loi prolongeait également l’état d’urgence sanitaire pour une durée indéterminée, donnant ainsi à l’administration Legault le pouvoir de faire des dépenses et de conclure les contrats qu’elle juge nécessaires.
Les jeunes pour le climat se mobilisent
Suite à la lecture du projet de loi en début de semaine, la CEVES a lancé une invitation sur Facebook pour former une chaîne humaine au pied du Mont Royal, à deux mètres de distance. À Québec, c’est un sit-in devant l’Assemblée nationale qui était prévu à la même date, tout près de la Fontaine de Tourny.
Bien que plusieurs amendements aient été proposés par le gouvernement Legault à la veille des manifestations, la CAQ et les partis d’opposition ne sont pas arrivés à une entente vendredi, ce qui signifie que l’issue du projet de loi ne sera connu que cet automne.
Malgré le report du projet de loi avec l’ajournement des travaux de l'Assemblée nationale jusqu’au 15 septembre, la CEVES a tenu à maintenir ses deux rassemblements pour envoyer un message clair à la CAQ.
« Ça a peut-être affecté un peu nos chiffres, » confie Albert Lalonde, co-porte-parole de l’événement et membre de la CEVES, « mais je pense que l’événement d’aujourd’hui reflète bien l’urgence d’une relance verte et juste. Les gens se sont vraiment mobilisés, c’est beau à voir. Ça donne espoir ! »
Suite aux discours, les participant.e.s se sont dispersé.e.s vers 13h30 sur le trottoir, le long de l’avenue du Parc. Aux abords de la statue, maintenant déserts, on avait tracé sur le sol « Fuck PL61 » et « Anti Loi 61 » à la craie multicolore.
Les automobilistes et les passants pouvaient entendre les manifestant.e.s chanter en choeur : « Un pas en avant, trois pas en arrière, c’est la politique du gouvernement ! » Les voix qui s’élevaient de la foule étaient transportées vers les gratte-ciels du centre-ville par le fort vent qui soufflait ce jour-là.
Trois pas en arrière
Parmi les maillons de cette chaîne humaine, Samuelle et Alyx arboraient le « X » comme plusieurs autres manifestant.e.s, l’une sur son masque et l’autre sur son chandail, pour symboliser la censure des citoyen.ne.s.
« La loi 61 dit que, pour construire plus rapidement, on va pouvoir passer par-dessus les lois environnementales, » explique Samuelle. « Depuis la dernière année, on s’est tellement mobilisé.e pour faire avancer les lois sur l’environnement et ça serait vraiment plate de faire trois pas en arrière. C’est principalement pour ça que je suis venue aujourd’hui. »
« Je pense que c’est un gros manque de jugement du gouvernement, » ajoute Alyx.
Pour Albert, la loi 61 est la parfaite manifestation d’une vision à courte vue extrêmement dangereuse. « De voir tout avec une logique comptable, de pouvoir acheter la destruction d’écosystèmes, ça en dit long sur la vision du gouvernement, » dit-il à travers son masque décoré d’un « X » rouge.
« Ce n’est pas quelque chose de durable. Il faut des processus démocratiques élargis, il faut écouter les besoins des populations directement, comme ceux des Autochtones. On ne peut pas poursuivre avec le même système colonial, » conclut-il.

Photo : Alex Beauchemin

Photo : Alex Beauchemin

Aux alentours de 14h30, la chaîne humaine s’est désintégrée et un cortège de manifestant.e.s ont emprunté l’avenue du Parc en direction sud pour atteindre les bureaux du Conseil exécutif.
Arrivé.e.s sur les lieux, les manifestant.e.s ont pris possession de la rue Sherbrooke et se sont assis.e.s sur la chaussée. Parmi les affiches brandies en l’air, on pouvait lire « Contre la dictature de la loi 61 ».
Les événements de mobilisation se multiplieront fort probablement dans les prochaines semaines alors que le déconfinement s’amorce en même temps que la belle saison. Les restrictions de voyage à l’extérieur du pays et les maigres perspectives d’emploi pour les étudiant.e.s pourraient aussi jouer en faveur des mouvements sociaux cet été. « Au pire, » comme le fait remarquer Albert, « on rentrera en force cet automne. »

S U I V A N T